Georges Hilbert

Chacal ou Renard des sables 1925

Granit des Vosges
Signé et daté sur la terrasse : Hilbert 25
H. 30 ; L. 61 ; P. 13 cm

Provenance 

Collection particulière française

 

Bibliographie 

  • Alexandre, Arsène, « La sculpture à l’exposition », La Renaissance de l'art français et des industries de luxe, octobre 1925, p. 445.
  • J. S. (auteur inconnu) « Georges Hilbert et la taille directe », Minerve, mai 1927, p. 249, repr.
  • De Thubert, Emmanuel, « Hilbert », L'Art et les artistes : revue mensuelle d'art ancien et moderne, mars 1929, p. 194, repr.
  • Alazard, Jean, Catalogue des peintures et sculptures exposées dans les galeries du Musée national des Beaux-Arts d’Alger, Librairie Henri Laurens, Paris, 1936.
  • Cheyssial, Georges, Discours prononcés dans la séance publique tenue par l'Académie des beaux-arts le... 25 juin 1975, pour la réception de M. Georges Hilbert : élu membre de la Section de sculpture en remplacement de Claude Grange, Institut de France, Paris, 1975.
  • Georges Hilbert, sculptures, Galerie Daber, Paris, 18 avril-10 mai 1975.
  • Alain Martin, « Un grand artiste méconnu : Georges Hilbert, Premier sculpteur animalier de notre temps », L’Algérianiste, décembre 1977.
  • Dubois, Patrice, « Hilbert, Le sculpteur du vivant », in Revue des Artistes Français (déjà paru dans la revue Eléments de janvier/février 1983), n°15, Juillet 1983.
  • Cazenave, Elizabeth, Les artistes français de l’Algérie. Dictionnaire des peintres, sculpteurs et graveurs 1830-1962, éd. Bernard Giovanangeli/Association Abd-el-Tif, 2001.
  • Sculpteurs et dessins de sculpteurs, 1ère moitié du XXème siècle, Alger, musée national des Beaux-Arts, 4 octobre-14 décembre 2003.
  • Sanchez, Pierre, Dictionnaire du Salon d'automne : répertoire des exposants et liste des œuvres présentées, 1903-1945, Tome 2, L'Echelle de Jacob, Dijon, 2006.

 

 « … en granit noir, son chacal [est] en quête d’une proie. Je ne sais encore ce qu’il faut le plus admirer, ou le caractère ardent dont il est fait, ou la forme idéale que lui donna l’artiste. Mais je crois plutôt que les deux se complètent et que ces lignes sobres et agissantes, ces valeurs architecturales, ces rapports justement équilibrés, cette plastique particulière ne vont bien qu’avec la pierre noire et grasse extrêmement dure et brillante qu’est le granit. »[1] (Extrait de la revue Minerve, mai 1927, p. 249, repr.)

Au milieu des années 1920, le talent de Georges Hilbert s’affirme indiscutablement. Né en 1900 à Nemours en Algérie, il est le fils d’un médecin vétérinaire. Accompagnant souvent son père auprès des animaux, il les prend en affection et se passionne pour leur anatomie. Après un court passage à l’École des Beaux-Arts d’Oran, il est reçu à l’École des Arts Décoratifs à Paris, puis à l’Académie des Beaux-Arts de cette même ville, où il reçoit un prix d’anatomie animale et commence à expérimenter son futur matériau de prédilection, la pierre. Il établit fréquemment son atelier dans les allées du Jardin des Plantes, comme le faisait son illustre prédécesseur, Antoine-Louis Barye. Proche de Mateo Hernandez et Joseph Bernard, deux sculpteurs employant comme lui des pierres dures et pratiquant la taille directe, il côtoie également François Pompon, dont il partage la quête de stylisation et l’élégance des formes.

Au début des années 1920, il fait la connaissance du poète et critique d’art, Emmanuel de Thubert, créateur de la revue Douce France et président du mouvement éponyme des sculpteurs en taille directe. Hilbert rejoint ce groupe et prend part à leurs expositions aux côtés de Louis Nicot, Georges Saupique, Ossip Zadkine, Joachim Costa et François Pompon. En collaboration avec eux, il réalise en 1925 un bas-relief au sein de l’ensemble intitulé Pergola de la Douce France[2] en vue de l’Exposition des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris. Il reçoit une médaille d’or pour cette manifestation. La même année, à 25 ans seulement, il participe pour la première fois au Salon d’Automne, et y expose le Chacal.[3]

Le chacal – terme issu du sanskrit srgāláh « le hurleur », est un canidé des plaines et des forêts, connu pour être un grand chasseur. Celui-ci est certainement un chacal doré. Ce choix iconographique témoigne du grand intérêt de Georges Hilbert l’art égyptien. La figure du chacal tient une place importante dans la mythologie égyptienne : il fait partie des animaux respectés et momifiés dans l’Égypte antique. Le grand dieu des morts Annubis, représenté sous ses traits, préside aux opérations d'embaumement et accompagne les âmes des défunts dans l’au-delà. Plus tard, le sculpteur crée un Fennec[4] aussi associé aux dieux égyptiens Annubis ou Seth, ou encore une Hyène[5].

Hilbert représente le Chacal en train de chasser, comme l’indiquent son ventre au ras du sol, son regard intense, ou encore ses oreilles plaquées en arrière. Le mouvement exprimé ici est rare dans l’œuvre du sculpteur dont les animaux sont le plus souvent représentés immobiles et hiératiques, à l’instar du bestiaire de l’art égyptien. La justesse anatomique conciliée à un style synthétique révèle l’essence et la noblesse de l’animal. Il « ne copie pas la nature ou plutôt ne copie pas le modèle »[6], et « à travers des formes singulières, longuement observées et réfléchies, c’est l’idée même du cerf, ou celle de la panthère, qu’il parvient à cerner »[7]. Sa « vision [est] exprimée dans la clarté et la décision où tout est dit sans fioriture ni repentir. »[8] La face arrière de l’œuvre est laissée en réserve. L’œuvre est-elle conçue pour être mise en applique contre un mur ?

La simplicité formelle est également inhérente au choix du granit, une pierre dure. Hilbert travaille sur le motif et réalise de nombreux dessins d’étude et esquisses dans des pierres tendres. Puis, il sculpte en taille directe dans des blocs de calcaire, de granit ou de marbre. « Parfois même il transporte son bloc de granit en face de son modèle pour le travailler sur place. »[9] Pour appréhender la taille des animaux, sa technique serait de compter les barreaux des cages du Jardin des Plantes[10]. L’emploi du granit noir dans son œuvre est fréquent, citons un Pécari[11] de 1927 conservé au Metropolitan Museum de New York ou un Chimpanzé assis[12] (non localisé).

Georges Hilbert reprend à plusieurs reprises la figure du chacal dans divers matériaux. Un Chacal en acajou est exposé en 1928 à la Arden Gallery à New York lors de l’exposition « Sculptures in ‘ taille directe’, Drawings ». Le musée national des Beaux-Arts d’Alger acquiert en 1932 un Chacal en bronze[13]. Enfin, un Chacal courant de 1956, en bois, est présenté à la Galerie Daber en 1975 à Paris à l’occasion de l’exposition « Georges Hilbert, sculpture ».

L’année suivant la réalisation du Chacal, Georges Hilbert commence à présenter des œuvres au Salon des Tuileries et au Salon des Indépendants. Il prend part à de nombreuses expositions en France et en Europe. En 1928, il obtient le Prix Blumenthal qui lui offre une reconnaissance aux Etats-Unis puis plus tard en Asie et en Amérique latine. La même année, son exposition à la Arden Gallery de New-York connaît un succès considérable. Des collectionneurs privés et de grands musées américains tels le Metropolitan Museum et le Muséum d’histoire naturelle acquièrent ses œuvres. En 1931 il intègre le « Groupe des Douze ». Il s’associe à la Compagnie des Arts Français[14] et rejoint le Groupe des animaliers. Des musées français et européens acquièrent ses œuvres et il reçoit d’importantes commandes. En 1973, il devient membre de l’Académie des Beaux-Arts et reçoit le Grand Prix de Sculpture de la Société des Artistes Français[15] et le Prix Edouard-Marcel Sandoz pour l’ensemble de sa carrière.


[1] J. S. « Georges Hilbert et la taille directe », Minerve, mai 1927, p. 249, repr.

[2] Il réalise Le Cheval sauvage pour l’ensemble statuaire de la Pergola de la Douce France, installé en 1935 à Etampes. Arsène Alexandre, « La sculpture à l’exposition », La Renaissance de l'art français et des industries de luxe, octobre 1925, p. 445.http://www.paris-artdeco.org/wp-content/uploads/2017/11/Pergola-dEtampes.pdf

[3] Il expose au Salon d’Automne de 1925 un Chacal (625) et un Cormoran (626).

[4] La Galerie Daber présente une version en bronze de 1927 d’un Fennec, en 1975 à Paris à l’occasion de l’exposition « Georges Hilbert, sculpture ».

[5] Une Hyène tachetée en granit noir est présentée au Salon des Tuileries de 1926 (1033).

[6] J. S., « Georges Hilbert et la taille directe », Minerve, Mai 1927

[7] Dubois, Patrice, « Hilbert le sculpteur du vivant », Revue des Artistes Français, 1983

[8] Georges Cheyssial, Discours prononcés…1975.

[9] Martin, Alain, « Un grand artiste méconnu : Georges Hilbert, Premier sculpteur animalier de notre temps », L’Algérianiste, décembre 1977.

[10] D’après les souvenirs de l’artiste Jacques Coquillay.

[11] Georges Hilbert, Pécari, 1927, granite, 43.2 x 58.2 x 22.9 cm, Metropolitan Museum, New York, (28.214).

[12] Reproduit dans Dubois, Patrice, « Hilbert, Le sculpteur du vivant », in Revue des Artistes Français (déjà paru dans la revue Éléments de janvier/février 1983), n°15, Juillet 1983, p.15.

[13] Alazard, Jean, Catalogue des peintures et sculptures exposées dans les galeries du Musée national des Beaux-Arts d’Alger, Librairie Henri Laurens, Paris, 1936.

[15] Pour son envoi de La Loutre au Salon des Artistes français de 1973.