Charles Despiau

Tête de Madame Despiau (Marie Rudel) vers 1899

Plâtre d’état
Non signé
Accident et manques à l’arrière au chignon sur la droite
H 25,5 x L 22,5 x P 21,5 cm

  • Cette épreuve est répertoriée sous le numéro 2020-3P du Catalogue critique de l’œuvre sculpté de Charles Despiau établi par Elisabeth Lebon.

Provenance

  • Atelier de l’artiste
Marie Rudel, dite Marion, partage la vie de Despiau à partir de 1899 au plus tard. Ils se marient en 1903. Marion participe donc pleinement à ces quelques années où le jeune homme quitte l’École des beaux-arts (1901) pour chercher sa voie propre. Le jeune couple colorie des cartes postales et Marion fabrique des bouquets de fleurs séchées pour subsister dans une grande misère. Despiau se forme désormais seul dans les musées : le Louvre, le musée d’ethnographie, de sculpture comparée et d’art indochinois du Palais du Trocadéro. Il compte sur un succès en Salon pour commencer à se faire un nom. Il participe jusqu’en 1905 au mouvement des sculptures de figures « en costume moderne », qui se voulait provoquant à l’encontre du nu académique. Marion lui sert de modèle. Despiau lui demande d’adopter des poses calmes et alanguies, qui lui permettent d’éviter le détail inutile et de traiter le vêtement comme un bloc sur lequel glisse la lumière, surplombé par un visage entièrement tourné vers l’intériorité. Même si l’influence du Balzac de Rodin se fait encore sentir, le futur de son œuvre est bien là. Cette petite tête est une étude pour la grande figure de Spleen, exposée au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts en 1902 (figure disparue) dont le buste détaché, présenté à l’italienne, avait été préalablement présenté au Salon de 1900.
 
Despiau, totalement désargenté, moule certainement lui-même son travail, provoquant les fragilités que l’on retrouve aujourd’hui, mais il en conserve jusqu’à ses derniers jours les reliques. Elles lui permettent de comprendre le chemin parcouru pour arriver à la révélation de la forme accomplie. Ce fragment d’étude pour la tête de Spleen, par la simplification des masses, a pu participer à la révélation de la piste fructueuse qu’il va bientôt suivre. C’est l’un des tout premiers, si ce n’est le premier, buste conservé de cet artiste qui deviendra l’un des plus grands portraitistes de son temps.
 
Bien des années plus tard, Despiau se rappelait devant Léon Deshairs : « Quand je modelais Spleen, puis Convalescente, (...) j’étais sous l’influence du Balzac de Rodin. Non seulement cette œuvre géniale me confirma dans mon antipathie contre les draperies d’école. Mais j’y admirai l’éloquence d’un grand volume, sans détails mesquins, et surtout j’y trouvai un encouragement à voir de mes propres yeux, en oubliant toute formule, toute habitude.”
 
Elisabeth Lebon, octobre 2020