Charles Auffret

Maternité debout 1978

Epreuve en bronze, n°1/8
Fonte à la cire perdue Delval
Signé : CH. AUFFRET
H. 58,5 ; L. 13 ; P. 12,5 cm

Provenance

  • Atelier de l’artiste

Bibliographie

  • Charles Auffret, Sculptures-Dessins (1929-2001), catalogue d’exposition, Voiron, musée Mainssieux, 30 mars – 8 septembre 2002 (repr. du plâtre en fin de catalogue).
  • Charles Auffret, catalogue d’exposition, Rome, Villa Médicis, 9 mai – 15 juillet 2007 (repr. p. 54 ; repr. du plâtre p. 4).
  • Charles Auffret (1929-2001), Sculpteur et dessinateur, catalogue d’exposition, Mont-de-Marsan, musée Despiau-Wlérick, 10 août – 16 septembre 2012 (repr. p. 34).
 
« Comme chez Titien, chez Degas et tant d’autres grands maîtres, la matière chez Auffret est transparente. On aperçoit le flux de la vie qui coule à travers les plis d’une jupe ou le voile d’un corsage. Son œuvre est inondée de lumière, cet homme au regard transversal, universel, réinvente à chaque moment la répétition du monde. A l’intérieur même du modelé, on entend les bruits du cœur et l’on s’enfonce dans le secret des êtres. (…) Derrière chaque empreinte de ses doigts, il y a l’émotion, le relais de son esprit et de son regard. Les yeux d’Auffret sont des ciseaux qui taillent dans l’air, scrutent l’ombre pour en faire exploser la lumière, pour faire ressortir du vide la longue attente, la solitude et l’espérance de l’homme. »[1]
 
I  / Charles Auffret dans les années 1960
Le 11 novembre 1963 se constitue le Groupe des Neuf, étape décisive dans la carrière de Charles Auffret. En effet, les neufs sculpteurs qui forment ce groupe (Jean Carton, Paul Cornet, Raymond Corbin, Marcel Damboise, Léon Indenbaum, Léopold Kretz, Raymond Martin, Jean Osouf et Gunnar Nilsson) réunis sous le Balzac de Rodin et sous la protection de la poétesse Juliette Darle, proclament haut et fort « leur indépendance technique et esthétique. Loin des concepts postmodernistes, de la prégnance officielle de l’art abstrait en France, et dans un climat de fortes rivalités conceptuelles et esthétiques, les « Neuf » rappellent l’existence et la persistance d’une sculpture figurative indépendante, forte et maîtrisée. »[2] C’est ce même groupe qui attribue le prix Émile Godard à Charles Auffret le 5 février 1964, pour sa Femme à la toilette exposée en plâtre à la galerie Vendôme. Cette récompense lui permet ainsi de fondre en bronze cette œuvre chez le fondeur Émile Godard.
 
En 1965, deux événements majeurs viennent marquer profondément la vie et l’œuvre du sculpteur. Dans un premier temps, il rencontre Arlette Ginioux, peintre et sculpteur, « une jeune fille rousse. Belle, le regard espiègle et autoritaire, il corrigeait son dessin et semblait la regarder avec tendresse. »[3] Dans un second temps, Charles Auffret, lauréat du prix international de sculpture de la fondation Paul Ricard, est invité en résidence sur l’île de Bendor avec son épouse. Il y érige une sculpture monumentale l’année suivante, Grande sculpture debout dite aussi L’Éveil. Cette année-là, le sculpteur voit également la naissance de son fils unique Jean-Baptiste.
 
Des années 1970 à la fin des années 1990, l’art du sculpteur est reconnu progressivement en France et à l’étranger, grâce à de nombreuses expositions. Citons par exemple sa participation à l’exposition « 3 Parisskulptörer » (Trois sculpteurs parisiens) à la Galerie Färg och Form à Stockholm, où il expose aux côtés de ses amis René Babin (1919-1997) et Gudmar Olovson (1936-2017), ou encore l’exposition personnelle itinérante « Charles Auffret : sculptures, dessins, aquarelles », organisée à Blois, Orléans et Amboise entre 1978 et 1981. Le travail de l’artiste est récompensé par différents prix, tels que le prix de dessin Charles Malfray en 1984, ou encore le prix de sculpture Léon Georges Baudry en 1986, tous deux attribués par la Fondation Taylor. Enfin, Charles Auffret obtient une commande du Sénat en 1984, pour lequel il réalisé une figure allégorique, L’Esprit des Lois dite La Loi. L’œuvre est installée rue Garancière, en face du Sénat, dans une niche appartenant à un corridor enjambant la rue à la hauteur du premier étage.
 
II  / Le thème de la Maternité dans l’œuvre du sculpteur
Le thème de la Maternité est un sujet récurrent dans l’œuvre du sculpteur. En 1964, il s’ouvre avec Grande Femme enceinte. Henri Mercillon relate la genèse de cette œuvre : « Une future mère lui propose de poser. Il accepte et travaille, dit-il, « avec enthousiasme ». Grâce à elle, il donne l’image de toutes les femmes en attente : l’alourdissement de la silhouette, le poids de l’enfant, la main qui, d’un même geste, retient et caresse. Il réussit à donner une formidable impression de monumentalité par les jeux de lumière sur ce corps en gestation. »[4] Quelques années plus tard, en 1967, Charles Auffret reprend le thème dans un style plus esquissé. Cette fois, le nouveau-né est dans les bras de sa mère. Assise, les jambes croisées, elle lui donne le sein, la tête penchée, le regardant avec tendresse.
 
Notre œuvre se situe donc dans le prolongement de ces deux premières sculptures. Réalisée en 1978, La Maternité debout représente une jeune mère tenant fermement son nourrisson dans ses bras, du côté de son cœur. Le petit corps de l’enfant se fond dans celui de sa mère, rappelant ainsi le lien qui les unit. Pensive, la jeune femme regarde devant elle, en direction du sol.
 
Charles Auffret donne humanisme, tendresse et sensibilité à ses créations. Elles ne traitent pas des sujets classiques (mythologiques, historiques…) : elles sont des instants de vie, et donnent à voir l’émotion ressentie devant la nature : « Ce sont là des pièces fortes et sereines à la fois, dont les volumes généreux traduisent à merveille le calme et la tendresse. Le bronze exprime ici le temps, saisi en un moment donné mais renvoyant à ce qu’il y a de plus immuable en nous : l’espoir et l’attente d’une future mère, l’amour qui sourd d’un couple enlacé, le charme de l’enfance, le pudique abandon d’une femme à sa toilette. »[5] La famille est un thème d’autant plus important pour Charles Auffret qu’il est devenu mari, et père, quelques années avant la création de cette Maternité debout.
 
« L’œuvre sculpté de Charles Auffret met en scène un monde sensible où s’exprime la beauté singulière des attitudes et des gestes quotidiens. (…) Au regard de l’œuvre complet, l’expression d’un monde sensible et vivant se laisse surprendre et le Groupe des Neuf avait vu juste. Auffret persiste dans la voie d’une sculpture dite humaniste pour nous laisser aujourd’hui l’expression d’un univers où la beauté transparaît à travers les gestes les plus simples. Il donne à regarder le monde, à l’observer et dégage ainsi un état de beauté, dans une Maternité assise ou debout, dans La Figure drapée, dans Le grand Saint-Joseph. Il rend vivante la sculpture qui révèle un monde qu’il aime et dont il caresse la terre. »[6]

[1] Richard Peduzzi, « Charles Auffret, La patience de l’urgence » dans Charles Auffret, catalogue d’exposition, Rome, Villa Médicis, 9 mai – 15 juillet 2007, p. 10.
[2] Mathilde Desvages, « Charles Auffret, l’élu du Groupe des Neuf » dans Charles Auffret (1929-2001), Sculpteur et dessinateur, catalogue d’exposition, Mont-de-Marsan, musée Despiau-Wlérick, 10 août – 16 septembre 2012, p.15.
[3] Richard Peduzzi, « L’homme à l’affût », dans Charles Auffret, Sculptures-Dessins (1929-2001), catalogue d’exposition, Voiron, musée Mainssieux, 30 mars – 8 septembre 2002.
[4] Henri Mercillon, « Sculpture figurative au XXe siècle », dans Commentaire, 1994-95, vol. 17, n°68, p. 985-986.
[5] Xavier Narbaits, L’Œil, mai 1993, p. 84. Il s’agit d’une brève rédigée à l’occasion de l’exposition rétrospective des œuvres de Charles Auffret à la Galerie Annick Driguez, du 11 mai au 30 juin 1993.
[6] Mathilde Desvages, « Charles Auffret, l’élu du Groupe des Neuf », dans Charles Auffret (1929-2001), Sculpteur et dessinateur, catalogue d’exposition, Musée Despiau-Wlérick, Mont-de-Marsan, 10 août – 16 septembre 2012, p.15.