Jane Poupelet

Pins sur une colline

Encre de Chine et lavis sur papier gris
15,5 x 23 cm

Provenance

  • France, atelier de l’artiste

Bibliographie

  • 1926 KAHN : Gustave Kahn, « Jane Poupelet », in L’Art et les Artistes, n°72, décembre 1926, p. 79-84.
  • 1927 KUNSTLER : Charles Kunstler, « Jane Poupelet », in L’Amour de l’Art, n°9, septembre 1927, p. 321-327.
  • 1930 KUNSTLER : Charles Kunstler, Jane Poupelet, Paris, Éditions G. Crès et Cie, 1930.
  • 1982 BOURDANTON : Pierrette Bourdanton, « Pour un hommage au grand sculpteur Jane Poupelet », in Revue des artistes français, n°9, janvier 1982, p. 8-9.
  • 2003 DUMAINE : Sylvie Dumaine, Les dessins de la statuaire Jane Poupelet (1874-1932), collection de dessins déposée à Roubaix, La Piscine, musée d’art et d’Industrie-André Diligent, mémoire de maîtrise sous la direction de Frédéric Chappey, Université de Lille III, 2003.
  • 2005 CATALOGUE : Anne Rivière (sous la direction de), Jane Poupelet 1874-1932, catalogue d’exposition [Roubaix, La Piscine-musée d’Art et d’Industrie André Diligent, 15 octobre 2005 – 15 janvier 2006, Bordeaux, musée des beaux-arts, 24 février - 4 juin 2006, Mont-de-Marsan, musée Despiau-Wlérick, 24 juin – 2 octobre 2006], Paris, Éditions Gallimard, 2005.
« Dessins d’une liberté et d’une rigueur extrêmes, où chaque trait porte et décrit la vie fixée dans l’instantanéité, encre, trait sans reprise – trait ferme et définitif dont les lavis définissent seulement les grandes formes. »[1]
 
Jane Poupelet dessine dès son plus jeune âge. Alors qu’elle est envoyée en pension à Bordeaux à l’âge de 8 ans, en 1882, c’est avec une « vieille demoiselle »[2] qu’elle se forme à l’art du dessin pendant plus de dix ans. Ses efforts sont récompensés en 1892 avec l’obtention d’un certificat d’aptitude pour l’enseignement du dessin dans les écoles. La même année, elle s’inscrit à l’École municipale des beaux-arts et des arts décoratifs. En plus d’être la première femme à y être admise, elle est aussi l’une des premières, avec cinq autres femmes, à pouvoir suivre les cours d’anatomie et assister aux dissections de la faculté de médecine de Bordeaux. En 1895, ses études sont couronnées d’un diplôme du gouvernement de Professeur de dessin. Avec ce second diplôme en poche, la jeune femme se rend à Paris entre la fin de l’année 1896 et le début de l’année 1897 : elle y esquisse les monuments parisiens et leurs décors et accumule de nombreux carnets de croquis.
 
La famille de Jane Poupelet possédait un vaste domaine agricole à Clauzure, en Dordogne périgourdine, où la sculptrice était née. Elle conserve pour ce lieu une véritable affection, qui ne la quitte jamais vraiment. Même après son départ pour la capitale, Jane Poupelet retourne fréquemment dans sa région natale, partageant son temps entre Paris et le domaine familial de La Gauterie.
 
Ces Pins sur une colline ont sans doute été réalisés dans la campagne environnant le domaine familial. Cette esquisse de paysage présente deux zones distinctes et séparées l’une de l’autre par la courbe descendante du sommet de la colline. Ainsi, au premier plan, on aperçoit la diversité de la végétation qui a poussé sur le flan de cette colline : çà et là des buissons parmi les hautes herbes qui s’assombrissent progressivement en prenant de la hauteur, tandis qu’à l’arrière-plan dominent les pins, seuls au sommet. On remarque également une différence de traitement à l’intérieur de ces deux zones : le premier plan est rapidement brossé et esquissé, les traits sont larges et à peine prononcés en bas de la feuille. Plus l’œil du spectateur progresse vers l’horizon, et plus le trait s’affine, se multiplie. Le noir de l’encre de Chine se fait plus prononcé et plus profond. De même, les pins sont les éléments les plus travaillés de cette esquisse : on note la précision et la finesse du trait du pinceau dans les troncs, tandis que la cime des arbres et les feuillages sont, eux, traités en lavis. Par ailleurs, alors que l’on pourrait penser que ce dessin, élaboré sur le motif, a été croqué rapidement par l’artiste, on observe des traits de mine de plomb, notamment au niveau de la cime des pins. Ces résidus d’esquisses préparatoires prouvent que la composition de ce dessin est en réalité très réfléchie.
 
Jane Poupelet est une artiste proche de la nature, qui portraiture avec ferveur les animaux. Au contraire, ses paysages constituent un pan de son œuvre moins connu de son œuvre. Sylvie Dumaine l’a exploré dans sa contribution au catalogue de la rétrospective itinérante Jane Poupelet en 2005 justement sous-titrée La beauté dans la simplicité. Elle achève ainsi son texte : « Le musée d’art et d’Industrie de Roubaix nous offre le privilège de respirer l’atmosphère de l’œuvre dessiné de Jane Poupelet. Tout est calme comme le silence de la campagne, à l’heure de la sieste… Et la vie est là, à fleur de peau, frémissante, suggérée, inavouée dans la complicité du spectateur. »[3]
 
Gustave Kahn (1859-1936), l’un des ardents défenseurs de Poupelet, explique, en 1926, l’importance et l’influence qu’a eu la Dordogne sur sa vocation et sa future carrière : « Son pays est terre d’argile. Elle joue avec les éléments de son art futur. Ce terroir de Saint-Paul-Lizonne, en Dordogne, près Ribérac, comporte sa leçon de pittoresque. Ce n’est point ce rivage de la Dordogne coulant épaisse et paresseuse aux pieds de vieux châteaux, ni le haut bastion du Quercy. C’est une région d’aimables vallonnements que traverse une petite rivière, la Dronne. C’est un paysage tempéré et familier, avec ses fermes, ses longs rideaux d’arbres près des eaux vives, ses herbages avec un horizon de montagnettes. C’est un paysage calme. L’artiste n’est pas le produit du paysage natal, mais la première ambiance se réfléchit toujours un peu chez lui comme chez le poète et on peut voir quelque reflet de ces impressions premières dans la sincérité méditative qui caractérise l’art de Jane Poupelet. »[4] L’année suivante, en 1927, Charles Kunstler (1887-1977), autre grand admirateur de Poupelet, rappelle lui aussi l’importance de la région sur l’œuvre de la sculptrice en citant ce qu’elle lui avait elle-même confié : « je n’avais encore rien vu quand j’ai commencé à faire de la sculpture… Songez donc, j’avais à peine 4 ou 5 ans… Il y a de la terre glaise en abondance dans mon pays. J’aimais pétrir cette terre, lui donner des formes. Je modelais les animaux ou les gens que je voyais. J’ai continué ainsi pendant plusieurs années. »[5]

[1] 1982 BOURDANTON, p. 9.
[2] 2005 CATALOGUE, p. 13.
[3] Sylvie Dumaine, « Le dessin chez Jane Poupelet », in 2005 CATALOGUE, p. 84.
[4] 1926 KAHN, p. 79.
[5] 1927 KUNSTLER, p. 326.