Jane Poupelet

Ânon ou Ânesse de trois semaines 1907

Épreuve en bronze, sans numérotation
Fonte au sable, fondeur inconnu
Signé : POUPELET
Au-dessous : étiquette parcellaire de la galerie Simon ?
H. 20,7 ; L. 16 ; P. 6 cm

Provenance

  • Galerie Simon ?
  • États-Unis, collection particulière

Bibliographie sélective

  • 1924 MARTINIE : Henri Martinie, « Jane Poupelet », Art et décoration, éditions Albert Lévy, Paris, septembre 1924, repr. p. 91.
  • 1928 CATALOGUE EXPOSITION : Jane Poupelet Dessins et Sculptures, Paris, Galerie Bernier (24 janvier-11 février), Girard Binino, Paris, 1928.
  • 1930 KUNSTLER : Charles Kunstler, Jane Poupelet, Paris, Éditions G. Crès & Cie, 1930.
  • 1938 CATALOGUE EXPOSITION : Jane Poupelet sculpteur (1878-1932), Paris, Galerie Bernier (6 mai-24 mai), 1938.
  • 1973 WAPLER : Vincent-Fabian Wapler, Jane Poupelet sculpteur 1878-1932, mémoire de maîtrise présenté sous la direction de Monsieur Souchal Professeur d’histoire de l’art en mai 1973, faculté des lettres et sciences humaines de Lille III, n°32, p. 136-145.
  • 1982 BOURDANTON : Pierrette Bourdanton, « Pour un hommage au grand sculpteur Jane Poupelet », Revue des Artistes Français, janvier 1982, repr, p. 9.
  • 1999 KAUFMANN-GARCHER : Fabienne Kaufmann-Garcher, « Les sculpteurs et l’animal dans l’art du XXe siècle », in Les cahiers de la sculpture, avril-mai, juin 1999, repr., p. 60.
  • 2003 ANTRI : Azzedinne Antri, « Ânon » (notice), in Sculptures et dessins de sculpteurs de la première moitié du XXe siècle Collection du musée national des Beaux-Arts d’Alger, catalogue d’exposition, Mont-de-Marsan, musée Despiau-Wlérick (4 octobre – 14 décembre 2003), 2003, repr, p.75.
  • 2005 RIVIÈRE : Anne Rivière, « Jane Poupelet 1874-1932 « La beauté dans la simplicité » », in Jane Poupelet (1874-1932), catalogue d’exposition, Roubaix, La Piscine – musée d’art et industrie André Diligent (15 octobre 2005– 15 janvier 2006) ; Bordeaux, musée des Beaux-Arts (24 février – 4 juin 2006) ; Mont-de-Marsan, musée Despiau-Wlérick (24 juin – 2 octobre 2006), Paris, Éditions Gallimard, 2005.
  • 2006 BIÉTRY-RIVIERRE : Éric Biétry-Rivierre, « Les courbes vraies de mademoiselle Poupelet », in Le Figaro, jeudi 5 janvier 2006, repr., p. 31
  • 2017 RIVIÈRE : Anne Rivière, Dictionnaire des sculptrices, Paris, mare & martin, 2017.
Formée à l’école des Beaux-Arts de Bordeaux, Jane Poupelet connaît à la perfection les œuvres des Maîtres des siècles passés, qu’ils soient européens, japonais ou égyptiens… Parmi ses contemporains, elle fréquente assidûment Lucien Schnegg et ses amis. Devenant ainsi membre de la « Bande à Schnegg », elle sera, avec Charles Despiau, l’une des principales ambassadrices, du style épuré aux formes lisses hérité de la tradition gréco-romaine et en rupture avec l’art agité de Rodin.
 
Très tôt, Jane Poupelet se met à développer un bestiaire constitué d’animaux domestiques et de ferme. Elle croque sur le vif des chats, poules et coqs, vaches, ânes et lapins. Elle observe l’animal dans ses déplacements et traque la posture qui l’intéresse. Au cours de l’année 1906, elle s’éloigne du naturalisme ou de l’anecdote, faisant de l’instantanéité du mouvement une forme hiératique et intemporelle[1]. Ce travail d’après nature lui permet de faire naître des figures sculptées aux formes extrêmement synthétiques et justes. « Je fais une esquisse en terre devant l’animal ou le modèle. Puis je travaille sur le plâtre ; j’ajoute, j’enlève, je simplifie… », dit l’artiste[2].
 
La figure du petit Âne est représentative de cette recherche. Sans aucuns détours ni détails anecdotiques, l’animal est traité par sa forme pure, les lignes sont nettes et tendues, les plans très architecturés. Elle offre une représentation universelle de la bête, à la manière des Égyptiens. Ce n’est plus « le portrait d’une bête mais plutôt la synthétisation d’une race, les caractères génériques, rendus par plans rudes et exacts, l’être en action révélé par son ossature étudiée scientifiquement, l’attitude d’une vraisemblance absolue, la statuette se haussant à une effigie définitive »[3]. Au sujet humble, elle confère une noblesse. Jane Poupelet ne raisonne pas en terme de sujet et encore moins de « hiérarchie des genres ». « Le sujet, pour elle, c’est la vie »[4].
 
À l’origine, la figure de l’ânon faisait partie d’un groupe sculpté en plâtre créé vers 1907 et intitulé Ânesse et son petit. L’œuvre a disparu, il n’en reste qu’un témoignage photographique[5]. Puis, comme elle le fait pour un autre groupe sculpté de Paysan conduisant sa vache, l’artiste désolidarise la figure du groupe pour lui donner toute sa force. « L’ânon isolé sera une des œuvres les plus populaires de l’artiste »[6] . En 1907, elle l’expose au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts avec d’autres animaux et au Salon d’Automne[7]. Les collectionneurs de bronzes animaliers ne tardent pas à s’intéresser à la production de l’artiste. L’Ânon est ensuite beaucoup exposé. Il est de nouveau présent au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts en 1914[8] et en 1916, il apparaît dans un article de Current Opinion, à l’occasion de l’exposition de l’artiste à la Goupil Gallery de New York.
 
Elle s’inscrit, même si sa place reste très singulière, dans le courant qui marque le renouveau de l’art animalier au début de XXe siècle. En rupture avec l’esprit romantique des animaliers du XIXe siècle, tels que Mène ou Barye, les artistes du début du XXe s’intéressent surtout à la forme pure de l’animal, son anatomie. Au cours des premières décennies du siècle, des expositions entièrement consacrées à l’art animalier attestent du renouveau du genre. On y voit les œuvres de Rembrandt Bugatti, Paul Troubetzkoï, T-A Steinlen ou encore le groupe dit « Animaliers du groupe Sandoz » formé d’Armand Petersen, Georges Lucien Guyot ou Georges Hilbert… Mais Jane Poupelet reste en marge de ces manifestations et ne participe qu’une fois à l’une de leurs expositions de groupe, en 1920-21 à la galerie Barbazanges, 109 boulevard St-Honoré[9]. En revanche, l’Ânon est de nouveau présenté en 1925 à la galerie Durand-Ruel à Paris[10] et en juin 1926 à la galerie Briant-Robert à Paris[11], puis à New York en 1928 : il est présent sur le carton d’invitation de la Montross Gallery pour l’exposition monographique de l’artiste qui a lieu d’avril à mai.
 
Cependant, au début des années 30, elle forme avec François Pompon une nouvelle société d’artistes animaliers. Le groupe des XII rassemble entre autres, le dessinateur Paul Jouve, les sculpteurs Charles Artus, Georges Lucien Guyot, Georges Hilbert, Berthe Martinie ou encore le peintre Gaston Chopard. La première exposition a lieu en mai 1932 chez Ruhlmann (27 rue de Lisbonne). Jane Poupelet est déjà malade. Elle y présente un exemplaire de l’Ânon[12].L’association prend fin après une seconde exposition et le décès de ses deux initiateurs.
 
À ce jour, huit épreuves de l’Ânon ou Ânesse de trois semaines sont connues et localisées en plus de celle présentée ici. Trois se trouvent dans des collections particulières : elles sont présentées dans le catalogue sommaire de l’artiste établi en 2005 par Anne Rivière[13]. Cinq sont conservées en collections publiques :
-La première au musée des Beaux-Arts d’Alger (inv. IG 776, acquis en 1928) ;
-La deuxième au musée d’art et d’industrie André Diligent - La Piscine à Roubaix (inv. D994-4-4, don Poupelet-La Gauterie, 1934 ; dépôt du musée national d’art moderne, 1994)[14] ;
-La troisième au musée du Périgord à Périgueux (inv.2198-48.1.16, don du comité départemental de Libération de la Dordogne 1948) ;
-La quatrième au musée d’Orsay à Paris (inv. RF 3401, legs Charles Kunstler, 1978)[15] ;
-La cinquième au musée Despiau-Wlérick à Mont-de-Marsan (inv. MM 2012.3.2, acquis en 2012).

[1] 2005 RIVIÈRE, p. 37.
[2] 2005 RIVIÈRE, p. 40.
[3] Maurice Guillemot, « Jane Poupelet », Art et Décoration, décembre 1913, n°12, p.56.
[4] 1930 KUNSTLER, p.7.
[5] 2005 RIVIÈRE, p.39.
[6] 2005 RIVIÈRE, p.38.
[7] 2005 RIVIÈRE, p. 143.
[8] 2005 RIVIÈRE, p. 144.
[9] Anonyme, « Exposition de sculpture française », Chronique des Arts, janvier 1921.
[10] Cette « exposition trinationale » va ensuite à Londres et New-York. Voir Rivière, 2005, p. 145.
[11] 2005 RIVIÈRE, p. 145.
[12] T.S., « Art et Curiosité Le groupe des Douze », in Le Temps, 21 avril 1932.
[13] 2005 RIVIÈRE, cat. 120, 121 et 123 p. 104-105.
[14] 2005 RIVIÈRE, cat. 119, p. 104.
[15] 2005 RIVIÈRE, cat. 122, p. 105.