Jane Poupelet

Lapin à l'oreille dressée 1905-1908

Épreuve en bronze à patine verte
Fonte au sable sans cachet de fondeur
Signé (sur la plinthe) : J. Poupelet
10,3 x 10,5 x 6,7 cm

Provenance

  • États-Unis, collection particulière

Bibliographie sélective

  • 1930 KUNSTLER : Charles Kunstler, Jane Poupelet, Paris, Éditions G. Crès & Cie, 1930.
  • 1973 WAPLER : Vincent-Fabian Wapler, Jane Poupelet sculpteur 1878-1932, mémoire de maîtrise présenté sous la direction de Monsieur Souchal Professeur d’histoire de l’art en mai 1973, faculté des lettres et sciences humaines de Lille III, n°41 III, p. 167-168.
  • 2005 RIVIÈRE : Anne Rivière, « Jane Poupelet 1874-1932 « La beauté dans la simplicité » », in Jane Poupelet (1874-1932), catalogue d’exposition, Roubaix, La Piscine – musée d’art et industrie André Diligent (15 octobre 2005– 15 janvier 2006) ; Bordeaux, musée des Beaux-Arts (24 février – 4 juin 2006) ; Mont-de-Marsan, musée Despiau-Wlérick (24 juin – 2 octobre 2006), Paris, Editions Gallimard, 2005.
  • 2017 RIVIÈRE : Anne Rivière, Dictionnaire des sculptrices, Paris, mare & martin, 2017.
Formée à l’école des Beaux-Arts de Bordeaux, Jane Poupelet connaît à la perfection les œuvres des Maîtres des siècles passés, qu’ils soient européens, japonais ou égyptiens… Parmi ses contemporains, elle fréquente assidûment Lucien Schnegg et ses amis. Devenant ainsi membre de la « Bande à Schnegg », elle sera, avec Charles Despiau, l’une des principales ambassadrices, du style épuré aux formes lisses hérité de la tradition gréco-romaine et en rupture avec l’art agité de Rodin.
 
Très tôt, Jane Poupelet se met à développer un bestiaire constitué d’animaux domestiques et de ferme. Elle croque sur le vif des chats, poules et coqs, vaches, ânes et lapins. Elle observe l’animal dans ses déplacements et traque la posture qui l’intéresse. Au cours de l’année 1906, elle s’éloigne du naturalisme ou de l’anecdote, faisant de l’instantanéité du mouvement une forme hiératique et intemporelle[1]. Ce travail d’après nature lui permet de faire naître des figures sculptées aux formes extrêmement synthétiques et justes. « Je fais une esquisse en terre devant l’animal ou le modèle. Puis je travaille sur le plâtre ; j’ajoute, j’enlève, je simplifie… », dit l’artiste[2].
 
La figure du Lapin à l’oreille dressée est représentative de cette recherche. Sans aucuns détours ni détails anecdotiques, l’animal est traité par sa forme pure, les lignes sont nettes et tendues, les plans très architecturés. Elle offre une représentation universelle de la bête, à la manière des Égyptiens. Ce n’est plus « le portrait d’une bête mais plutôt la synthétisation d’une race, les caractères génériques, rendus par plans rudes et exacts, l’être en action révélé par son ossature étudiée scientifiquement, l’attitude d’une vraisemblance absolue, la statuette se haussant à une effigie définitive »[3]. Au sujet humble, elle confère une noblesse. Jane Poupelet ne raisonne pas en terme de sujet et encore moins de « hiérarchie des genres ». « Le sujet, pour elle, c’est la vie »[4].
 
Le Lapin à l’oreille dressé est présenté pour la première fois en 1909 à l’exposition de la Libre Esthétique à Bruxelles et Octave Maus en fait l’acquisition[5]. En avril et mai 1921, il est exposé au Brooklyn Museum de New-York[6].
 
Jane Poupelet crée deux autres lapins : l’un allongé et l’autre couché. Un exemplaire de chacun de ces deux autres lapins est conservé au musée des Beaux-Arts et de la dentelle de Calais[7]. Le bestiaire de l’artiste comprend entre autres des statuettes d’oies et canards, coqs, chèvres couchées - etc, bien souvent représentés seuls.
 
Jane Poupelet s’inscrit, même si sa place reste très singulière, dans le courant qui marque le renouveau de l’art animalier au début de XXe siècle. En rupture avec l’esprit romantique des animaliers du XIXe siècle, tels que Mène ou Barye, les artistes du début du XXe s’intéressent surtout à la forme pure de l’animal, son anatomie. Au cours des premières décennies du siècle, des expositions entièrement consacrées à l’art animalier attestent du renouveau du genre. On y voit les œuvres de Rembrandt Bugatti, Paul Troubetzkoï, T-A Steinlen ou encore le groupe dit « Animaliers du groupe Sandoz » formé d’Armand Petersen, Georges Lucien Guyot ou Georges Hilbert… Mais Jane Poupelet reste en marge de ces manifestations et ne participe qu’une fois à l’une de leurs expositions de groupe, en 1920-21 à la galerie Barbazanges, 109 boulevard St-Honoré[8].
Cependant, au début des années 30, elle forme avec François Pompon une nouvelle société d’artistes animaliers : le groupe des XII rassemble entre autres, le dessinateur Paul Jouve, les sculpteurs Charles Artus, Georges Lucien Guyot, Georges Hilbert, Berthe Martinie ou encore le peintre Gaston Chopard. La première exposition a lieu en mai 1932 chez Ruhlmann (27 rue de Lisbonne), alors que Jane Poupelet est déjà malade. L’association prend fin après une seconde exposition et le décès de ses deux initiateurs.
 
À ce jour, quatre épreuves du Lapin à l’oreille dressée sont connues et localisées en plus de celle présentée ici. Elles possèdent des patines variées : noire, de couleur médaille, verte. Trois se trouvent dans des collections particulières : elles sont présentées dans le catalogue sommaire de l’artiste établi en 2005 par Anne Rivière[9]. Deux sont conservées en collection publique :
-L’une est entrée par legs dans les collections de l’Art Institute de Chicago en 1927 (inv. 1927.367)
-L’autre a été donné en 1934 au musée du Luxembourg. En dépôt au musée des Beaux-Arts et de la dentelle de Calais, il appartient aux collections du musée national d’art moderne (Inv. AM 568 S-D77-1-8)[10].

[1] 2005 RIVIÈRE, 2005, p. 37.
[2]  2005 RIVIÈRE, p. 40.
[3] Maurice Guillemot, « Jane Poupelet », Art et Décoration, décembre 1913, n°12, p.56.
[4] 1930 KUNSTLER, p.7.
[5] 2005 RIVIÈRE, p. 143.
[6] 2005 RIVIÈRE, p. 145.
[7] 2005 RIVIÈRE, cat. 136 et 139, p. 107 (Inv. AM 566 S-D77 1-7 et AM 567 S-D77 1-9).
[8] Anonyme, « Exposition de sculpture française », Chronique des Arts, janvier 1921.
[9] 2005 RIVIÈRE, cat. 133, 134 et 135 p. 106-107.
[10] Il n’est reproduit ni sur le site internet des collections du centre Georges Pompidou, ni dans le catalogue de l’exposition Jane Poupelet de 2005.