Jane Poupelet

Âne et taureau c. 1904

Brou de noix, lavis de brou de noix et de sanguine
Signé : Poupelet
H. 23,5 ; L. 31 cm

Bibliographie

  • Colette, Préface du catalogue Peinture, Sculptures et Dessins de bêtes, Paris, Galerie Briant –Robert, janvier-février 1927.
  • Kunstler, Charles, Jane Poupelet, L’Amour de l’Art, 1927, p.321-327.
  • Laprade, Jacques, Au musée du Luxembourg. Jane Poupelet, Beaux-Arts, n°109, 1er février 1935, p.4.
  • Babou, Michèle, « Jane Poupelet, sa vie, son œuvre », Mémoire de l’École du Louvre, 1958.
  • Dumaine, Sylvie, Les dessins de la statuaire Jane Poupelet (1874-1932), collection de dessins déposée à Roubaix, La Piscine, musée d’art et d’Industrie-André Diligent, mémoire de maîtrise, sous la direction de Frédéric Chappey, Université de Lille III, 2 Tomes, 2003.
  • Rivière, Anne (sous la direction de), Jane Poupelet 1874-1932 « La beauté dans la simplicité », Roubaix, La Piscine-musée d’Art et d’Industrie André Diligent, 15 octobre 2005-15 janvier 2006 ; Bordeaux, musée des Beaux-Arts, 24 février 2006-4 juin 2006, Mont-de-Marsan, musée Despiau-Wlérick, 24 juin-2 octobre 2006, Editions Gallimard, 2005.
 
Première femme à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux en 1892 puis, membre de la bande à Schnegg[1], Jane Poupelet pratique assidûment le dessin et a une prédilection pour la représentation du nu féminin et des animaux, dans des compositions calmes et des poses hiératiques. Avec François Pompon, aussi membre de la bande à Schnegg, elle participe au renouveau de l’art animalier au début du XXème siècle. Ce sont les animaux de la ferme, ceux qu’elle peut observer à loisir dans la propriété familiale de son enfance, qu’elle croque, dessine et sculpte. Elle habitait plusieurs mois de l’année dans cette propriété périgourdine, le château de la Gauterie.
 
Très sobre, Âne et taureau, présente les deux animaux dans l’étable. Le cadrage est serré et les sujets, coupés par les bords de la feuille : des caractéristiques habituelles dans l’œuvre de Poupelet que l’on retrouve dans plusieurs dessins similaires conservés au musée national d’art moderne tels Trois vaches (Inv. AM1163D) ou Corps de taureau (Inv. AM1170D) ou à La Piscine – musée d’art et d’industrie André Diligent, avec Deux vaches à l’étable (inv.998-35-1)[2]. Ici, le bovidé puissant se repose au premier plan. Dans le coin supérieur droit, un âne, dans un box, nous regarde. De nombreux dessins de Poupelet représentent des vaches ou taureaux tandis que l’âne de 1907 est une figure emblématique de son œuvre sculpté. Une épreuve de l’Ânon est conservée au musée d’Orsay (Inv. RF 3401).
 
L’orientation identique des têtes de l’âne et de la vache crée une tension dynamique. C’est l’attitude juste qui importe à l’artiste. Elle se fait « guetteur de vie », pour reprendre l’expression de Rodin[3]. Quiétude et grâce se dégagent de ce dessin qui nous plonge dans l’intimité de l’étable et peut évoquer la scène de la Nativité.
 
Le dessin présente dans la partie inférieure droite des tâches aux tons rougeâtres et bruns correspondant à la palette utilisée pour les animaux. Cette pratique est aussi récurrente dans les dessins de Jane Poupelet. C’est la cas, par exemple, pour le Taureau couché conservé au musée national d’art moderne (Inv. AM1165D). L’artiste teste ses couleurs à même la feuille qu’elle travaille. Et cette zone colorée et nuancée participe à l’équilibre de la composition générale à l’instar des quelques lignes esquissées rapidement pour suggérer l’étable. Elles offrent un contrepoint « improvisé » à la partie maitrisée et observée des animaux.
 
Cette palette de tons issus principalement de la couleur naturelle qu’est le brou de noix – une technique qu’affectionne particulièrement Jane Poupelet –, la description synthétique et cernée de ces animaux proches de l’homme, placés dans un contexte neutre et dépouillé, tout cela, rappelle l’art pariétal et plus particulièrement, les murs de la grotte des Eyzies en Dordogne qui marquèrent profondément le dessin de Jane Poupelet.
 
En 1922, l’artiste désire publier un album de ses dessins d’animaux. Bourdelle appuie alors son désir : « Mlle Poupelet-statuaire au talent de tout premier ordre voudrait voir éditer un album de croquis d’animaux. Ses dessins sont splendides et je crois que vous êtes tout désignés pour les éditer. »[4] L’album ne voit cependant pas le jour.
 
Âne et Taureau est emblématique de l’œuvre et de la pensée de Jane Poupelet : tout en faisant l’éloge implicite de la simplicité elle entoure son œuvre d’un mystère que chacun est appelé à déchiffrer. 

[1] Groupe de sculpteurs regroupés dès 1904 de manière informelle autour de Lucien Schnegg (1864-1909). Ils suivent les principes prônés par Rodin : le contact avec la nature, l’agencement rigoureux des plans. Mais ils s’émancipent de son art exalté pour préconiser une réinterprétation de l’art antique selon un idéal de dépouillement, de sérénité et de rigueur.
[2] Reproduit in Rivière, 2006, p.80.
[3] Auguste Rodin, L’Art, entretiens avec Paul Gsell (1911), Paris, Grasset, « Les cahiers rouges », 1997, p.27.
[4] Bourdelle à Sant Andrea et Marcerou, éditeurs d’art, 4 janvier1922, AJP-Roubaix, in. Rivière, 2006, p.26.