Manuel Martinez Hugué dit Manolo

Femme s'essuyant 1923

Épreuve en terre cuite, n° 1/15
Étiquette (sous la base) : GALERIE LOUISE LEIRIS / 47, rue de Monceau / PARIS / Manolo / N°8220 / 1 / Femme s’essuyant / 1923 / tirage : 15 epr. / Ht 285 / Ph. N°4529
H. 28,5 ; L. 13,5 ; P. 7 cm

Provenance

  • Paris, galerie Louise Leiris
  • Suède, collection particulière

Bibliographie

  • Pla, Josep, Vida de Manolo contada per ell mateix, Sabadell, 1928.
  • Pia, Pascal, Manolo, « Sculpteurs nouveaux », Paris, Gallimard, 1930.
  • Benet, Rafael, El Escultor Manolo Hugué, coll. Miguel Angel, Libreria Editorial Argos, Barcelona, 1942, Pl. I, repr.
  • Manuel Martinez Hugué, dit Manolo, Sculptures, gouaches, dessins, Paris, galerie Louise Leiris, 17 mai – 17 juin 1961, n°63, repr.
  • Manolo, Plastik und Zichnungen, Dortmund, Museum am ostwall, 5 avril – 5 mai 1963, n°54.
  • Blanch, Montserrat, Manolo, Sculptures, Peintures, Dessins, Editions Cercle d’Art, Paris, 1974, n°459, p. 244, repr.
  • Manolo Hugué Als cinquanta anys de la seva mort, Columna, Barcelona, Sala d’art Artur Ramon, 4 mai – 17 juin 1995, p.50, n°12, repr.
  • Manolo Hugué Escultura, Pintura y Dijubo, Madrid, Centro Cultural del Conde Duque, janvier – février 1997, n°18, p. 34, repr.
  • Ramon, Artur et Vallcorba, Jaume, Àlbum Manolo Hugué, Barcelone, Quaderns Crema, 2005, p. 146-147, repr.
  • Fontbona, Francesc, Manolo Hugué, Museo de arte contemporaneo Esteban Vicente, 2006, fig.53, repr.
 
Lors de son séjour à Céret, entre 1920 et 1928, Manolo trouve un véritable épanouissement dans la maîtrise de son art. En effet, il monte différentes figures en terre, où son style très personnel s’affirme avec force. Il ose ici une composition déployée dans l’espace, où les parties du corps humain sont d’une géométrie synthétique. La cadence du mouvement est à la limite de l’exagération, mais conserve son caractère spontané et vrai. Cette manière, qui porte en elle quelques réminiscences du cubisme analytique[1], héritier de la vision de Cézanne selon laquelle il faut « traite[r] la nature par le cylindre, la sphère, le cône, le tout mis en perspective… » [2], livre une œuvre pleine d’énergie et de puissance sensible.
 
Retenant de ses deux mains le drap à ses pieds, la Femme s’essuyant se déploie de façon dynamique dans l’espace. A l’instar de la Vénus Callipyge[3], la figure très cambrée, au déhanché prononcé, tourne sa tête par-dessus son épaule, pour regarder ses fesses. Son canon généreux correspond quant à lui, au corps trapu des femmes catalanes qui peuplent l’œuvre de Manolo. Le rythme hélicoïdal induit par le corps en rotation autour d’un axe ainsi que le jeu d’obliques, créé par le positionnement des membres, constituent des solutions formelles fréquemment utilisées par Manolo pour donner le sentiment de vie et de mouvement, notamment lorsqu’il crée ces figures de la culture vernaculaire qu’il affectionne. Ainsi, retrouve-t-on ces moyens plastiques, plus sages, dans Vendangeuse (1913) du Museum of Modern Art de New York[4], Danseur (1940-1941)[5] ou Torero (1943-1944)[6] ; dans Torero assis (1923)[7], de la même année et qui, les genoux un peu plus fléchis, s’en retrouve assis, tout comme pour le Jongleur (1931)[8] ; dans Le bon pasteur (1943), figure monumentale pour le Monastère de Montserrat.
 
La Femme s’essuyant fonctionne avec une autre sculpture, un Torse[9], créé la même année, en 1923. Celui-ci précède ou dérive de la Femme s’essuyant. Manolo a eu recours à la technique du marcottage[10] pour passer d’un modèle à l’autre.
 
Cette épreuve porte une étiquette de la galerie Louise Leiris, qui est la troisième galerie que dirige D-H Kahnweiler. Après la Première Guerre Mondiale, le 1er septembre 1920, le marchand, dont les biens ont été mis sous séquestre, s’associe avec André Simon pour ouvrir sa seconde galerie au 29 bis rue d’Astorg - ce sera la Galerie Simon, de 1920 à 1941. Lors de 3 ventes aux enchères en 1921, 1922 et 1923 ses biens sont dispersés. Fort heureusement, il parvient à racheter l’ensemble des sculptures de Manolo[11]. En 1941, l’activité du marchand est à nouveau mise en péril puisque la galerie est soumise à une procédure « d’aryanisation ». Louise Leiris, sa belle-fille rachète le fonds de commerce. La galerie est sauvée et continue son activité jusqu’en 1988 (mort de Louise Leiris). Les éditions des sculptures de Manolo se poursuivent telles qu’elles ont été entérinées à l’époque de la Galerie Simon.
 
Kahnweiler édite des modèles dont il consigne scrupuleusement les épreuves en indiquant leur numéro et justification sur l’étiquette discrètement collée à l’intérieur de l’œuvre. Si l’édition de la Femme s’essuyant est prévue à 15 exemplaires, les autres exemplaires ne sont actuellement pas localisables.
 
Cette politique d’édition a permis au marchand de diffuser et de faire connaître l’œuvre de son protégé. Le marchand organise la première exposition monographique de Manolo à la galerie Simon en 1923, année de la création de Femme s’essuyant. Elle est saluée par la critique. Maurice Raynal écrit ainsi dans un article : « […] La plupart de ses bustes, de ses figurines, de ses reliefs, de ses sujets reflètent une intensité de vie animale à laquelle nul sculpteur de ce temps n’a atteint. Et ce, justement parce que Manolo ne demande à son art que cette réalisation. De ce fait, il se rattache à l’art gothique dont il possède la flamme, la souple symétrie, mais quelque fois aussi l’incorrection de style. »[12]
La Femme s’essuyant est exposée à de nombreuses reprises, en France comme à l’étranger. Elle est reproduite dans la monographie de référence de Rafael Benet en 1942 (planche 1).

[1]Est ainsi dénommée la première phase du cubisme (1908-1912) : la forme naturelle est analysée puis retranscrite au moyen de simples figures géométriques.
[2] Extrait d’une lettre de Paul Cézanne à Émile Bernard, 15 avril 1904.
[3] La sculpture la plus célèbre est conservée au musée archéologique de Naples.
[4] Manolo Hugué, Vendangeuse, 1913, épreuve en bronze, H. 44 cm, MOMA, New York (inv 260.1957).
[5] Blanch, 1974, n°222.
[6] Blanch, 1974, n°260.
[7] Blanch, 1974, n°464.
[8] Blanch, 1974, n°156.
[9] Blanch, 1974, n°460 ; ou, belles reproductions des deux œuvres en vis-à-vis in. Cat. Galerie Louise Leiris, 1961, n°63 et 65
[10] Marcottage : opération qui consiste à composer une nouvelle œuvre sculptée en réutilisant partiellement ou totalement des œuvres déjà exécutées par l’auteur. Le sculpteur fragmente ses propres œuvres et les réintroduit dans une œuvre nouvelle. (Ministère de la Culture et de la Communication ; Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, La sculpture Principes d’analyse scientifique, méthode et vocabulaire, Paris, imprimerie nationale, 1978).
[11] 13-14 juin 1921 : 1e vente des biens séquestrés par les Allemands « Collection Henry Kahnweiler, tableaux, sculptures, et céramiques modernes » Part 1 :
[12] Manolo Hugué, 1995, p.81.