Manuel Martinez Hugué dit Manolo

Portrait de femme c.1908

Épreuve en bronze, n°II
Fonte au sable, très probablement Florentin Godard, vers 1910-1911
Monogramme et numérotation (sur la tranche, sous la base) : KH II
H. 16 ; L. 10,5 ; P. 11,5 cm

Provenance

  • Paris, galerie Kahnweiler
  • France, collection particulière

Bibliographie

  • Martinie, AH, « Manolo », L’Amour de l’Art, An 10, num. 10, octobre 1929, repr. p. 352.
  • Manolo, New York, Galerie Chalette, 7 octobre – 2 novembre 1957 (préface de D-H Kahnweiler), n°5.
  • Gutierez, Fernando, « Antologia de Manolo Hugué », La Vanguardia, Barcelona, 30 avril 1972, fig. 3.
  • Blanch, Montserrat, Manolo Sculptures Peintures Dessins, Editions Cercle d’Art, Paris, 1974, repr. n°415, p.242.
  • Manolo (1872-1945), sculture, disegni, dipinti, Electa, 1990, repr. n°1, p. 27 (épreuve portant le n°5/10).
 
Après une formation à l’école des Beaux-Arts de Barcelone, Manolo se rend à Paris en 1901, à l’âge de 29 ans. Malgré la richesse de ses rencontres artistiques dans les quartiers de Montmartre et de Montparnasse, c’est une période extrêmement difficile pour l’artiste qui peine à subsister. Il multiplie les petites tâches, réalise de nombreux dessins, aquarelles et caricatures qu’il tente de vendre sans grand succès. Peu de sculptures nous sont parvenues de ces années car il les abandonne, inachevées, dans les chambres d’hôtel qu’il quitte faute de moyens. Ne demeurent que quelques bijoux, réalisés pour la maison Arnould[1], ainsi que des portraits de petites dimensions, dont le Portrait de femme, daté de la fin de son séjour parisien, vers 1908-1910.
 
Lorsqu’il se trouve à Paris (entre 1901 et 1909), il reste en retrait des recherches plastiques de ses amis Braque et Picasso, auxquelles il n’adhérera jamais[2], et parcourt les musées : il étudie l’art égyptien et grec, tout comme les sculptures médiévales de saints et de Madones. Pour le Portrait de femme, il emprunte à Michel-Ange les traits puissants, les paupières lourdes et la tête abandonnée de son Esclave mourant[3]. Et, comme Antoine Bourdelle, il s’inspire des formes archaïques pures et stylisées de l’Antiquité[4]. L’aspect rugueux et brut de la surface du Portrait de femme, rappelle la Tête d’Apollon de Bourdelle. Au-delà de leurs aspirations artistiques communes, les deux sculpteurs partagent aussi un même amour de la poésie, art que Manolo chérit et pratique avec de nombreux écrivains français[5].
 
Selon un article paru en 1929[6], la terre cuite du Portrait de femme a été réalisée vers 1908. Les initiales de Daniel-Henry Kahnweiler, HK, gravées sous l’œuvre laissent présager une datation plus tardive pour cette fonte, autour de 1910[7]. En effet, l’artiste et le marchand signent un contrat en 1912 mais débutent les négociations dès 1910. On peut imaginer dès lors que le marchand l’aide à éditer des œuvres en bronze, medium que Manolo n’a pas les moyens de se procurer. Entre 1912 et 1933, Manolo est sous contrat avec Kahnweiler, soit entre ses quarante et ses soixante-et-un an. Leur accord stipule que toute la production de Manolo revient au marchand, moyennant une mensualité. Jusqu’en 1920, Manolo reste le seul sculpteur défendu par Kahnweiler, année où Henri Laurens entre dans son cercle très choisi.
 
Comme toutes les épreuves réalisées sous la direction de Kahnweiler au moment où il commence les éditions limitées, elle n’est pas signée par Manolo, et porte les initiales du marchand. Les récents travaux de l’historienne de l’art Élisabeth Lebon, ont établi que les épreuves numérotées en chiffres romains sont le fruit de la collaboration entre le marchand Kahnweiler et le fondeur Florentin Godard : « Nous savons depuis la découverte des archives du fondeur Florentin Godard qu’il fut le fondeur de Kahnweiler à partir de novembre 1911. (…) De façon semble-t-il non systématique, et récemment découverte, Kahnweiler demandait à Florentin Godard de marquer les épreuves qu’il lui commandait d’inscriptions invisibles au spectateur (soit au revers des reliefs, soit à l’intérieur des rondes bosses) : une numérotation, toujours en chiffres romains, ainsi parfois que ses initiales HK, qui apparaissent en relief. (…) la dernière commande de Kahnweiler à Florentin Godard date d’avril 1929. » [8]

[1] En 1890, Aimé Arnould ouvre un atelier de bijouterie à Paris, influencé par les nouvelles théories artistiques de l’Art Nouveau. Inspirés de la nature, ces bijoux sont caractérisés par des lignes fluides et des courbes voluptueuses, dont Manolo se fait l’écho dans ses broches très organiques de cygnes stylisés (Cibella, broche en argent, Barcelone, musée d’art moderne) ou ses plaquettes en bas-relief représentant des corps ramassés (Femme accroupie en bronze, Paris, galerie Malaquais).
[2] Manolo à Picasso à propos de ses portraits cubistes : « Mais que dirais-tu si tes parents t’attendaient à la gare de Barcelone avec des gueules comme ça ? » cité dans Paule Chavasse, « Le cubisme et son temps », émissions sur France III 1961-62, archives INA.
[4] « L’archaïsme est pour Manolo, comme pour Bourdelle, le fondement de l’esprit classique, la réponse au besoin de création et d’expression qui est la source de la culture des peuples ». Elisée Trens Ballester, Manolo Hugué 1872-1945, Mont de Marsan, Musée Despiau-Wlérick, 1995, p.15.
[5] « J’ai connu tout de suite des Français. Toujours, je voulais à tout prix assimiler l’ambiance. Fait bizarre, je me liais davantage avec les hommes de lettres, qu’avec des gens faisant les arts plastiques. » Lettre de Manolo à Kahnweiler (octobre ou novembre 1919) publiée dans Donation Louise et Michel Leiris, Paris, MNAM, 1984-1985, p. 126.
[6] Martinie, AH, « Manolo », L’Amour de l’Art, An 10, num. 10, octobre 1929, p. 235.
[7] Datation retenue par Montserrat Blanch en 1974. Aussi datée de 1910 dans le catalogue de la galerie Chalette, 1957.
[8] Extrait de l’article d’Élisabeth Lebon « Laurens et le bronze », publié dans le catalogue de l’exposition Henri Laurens au musée Gerhard-Marcks-Haus de Brême du 30 septembre 2018 au 13 janvier 2019.