Georges Hilbert

Cheval et Cavalier à l'Antique 1943

Relief en pierre
Signé sur la tranche à gauche : HILBERT
H. 25,5 ; W. 30 ; D. 10 cm

Bibliographie

  • Galerie Daber, Georges Hilbert, sculptures, Paris, 18 avril-10 mai 1975.
  • Dubois, Patrice, Hilbert, « Le sculpteur du vivant », in Revue des Artistes Français (déjà paru dans la revue Elements de janvier/février 1983), n°15, Juillet 1983.
  • Cazenave, Elizabeth, Les artistes français de l’Algérie, Dictionnaire des peintres, sculpteurs et graveurs 1830-1962, éd. Bernard Giovanangeli/Association Abd-el-Tif, 2001.
  • Sculpteurs et dessins de sculpteurs, 1ère moitié du XXème siècle, musée national des Beaux-Arts d’Alger, 4 octobre-14 décembre 2003.

 

Georges Hilbert est né en 1900 à Nemours (Djemaa el Ghazaouet), en Algérie. Fils d’un médecin vétérinaire, il entre à l’école des Beaux-Arts d’Oran en 1918. Mais il y étudie fort peu, puisque la même année, il déménage à Paris, où il poursuit sa formation artistique à l’école des Arts Décoratifs et à l’école des Beaux-Arts. Pourtant, c’est en grande partie au Jardin des Plantes, face aux animaux, qu’il apprend son métier. Il y réalise de nombreux dessins aux lignes doucement courbes, nettes et précises. Il sculpte aussi parfois dans la pierre tendre des esquisses[1]. Puis, il réalise des tailles directes dans des blocs de calcaire, de granit ou de marbre. Le jeune artiste est initié à cette pratique par Joseph Bernard (1866-1921) qui la remet au goût du jour vers 1900.

La technique de la taille directe nécessite de se confronter directement à la matière en se libérant de l’ébauche. Sculptant sur le motif[2], Hilbert ne reproduit pas servilement la nature mais l’interprète selon sa propre sensibilité. « A travers des formes singulières, longuement observées et réfléchies, c’est l’idée même du cerf, ou celle de la panthère, qu’il parvient à cerner. »[3] Deux sculpteurs animaliers inspirent en profondeur sa vision. Il se nourrit du travail en taille directe de l’espagnol Mateo Hernandez (1885-1949), puis observe les proportions élégantes, la limpidité des volumes et l’expression sereine des œuvres de François Pompon (1865-1933). Hilbert puise chez ces deux artistes de quoi alimenter son style synthétique et épuré grâce auquel l’essence de l’animal se révèle.

Cheval et cavalier adopte sobriété et équilibre. L’artiste a su vaincre la dureté du matériau pour lui imprimer la souplesse, la douceur du modelé. Les figures captent la lumière et leurs muscles semblent s’animer. La pierre utilisée est une pierre dure[4]. Avec ce matériau, l’artiste amène son sujet vers une grande simplicité formelle. Fruit d’une observation profonde et d’un regard d’une grande acuité, aucun élément superflu ne subsiste. Quant au sujet du cavalier et du cheval, il présente une dichotomie entre un corps humain et un corps animal. Cette confrontation fait état de la force brutale, sauvage et noble de l’animal, que l’homme réussit à dompter. Mais plus que la domestication de l’animal, Hilbert suggère la complicité entre l’homme et le cheval. L’homme tient le cheval en alter-ego, camarade du champ de bataille ou des travaux des champs. Depuis l’art pariétal, le cheval est l’un des sujets de prédilection des artistes. Ce motif apparait également à de nombreuses reprises chez les artistes contemporains d’Hilbert, tels Berthe Martinie et Joseph Bernard. Hilbert affectionne le thème du cheval que l’on retrouve à d’autres occasions dans son oeuvre. Il représente aussi bien des animaux domestiques que sauvages et fauves: le Musée national d’art moderne conserve une Tête bouledogue[5], et le Fonds national d’art contemporain a acquis une Panthère[6], un Ara[7], ainsi qu’une Tête d’antilope[8], directement auprès de l’artiste. Aux Etats-Unis, le Metropolitan Museum of Art conserve un Pécari [9].

Parallèlement à la réalisation d’œuvres de petite taille, les nombreuses commandes privées et d’Etat permettent à l’artiste de réaliser tout au long de sa vie des œuvres monumentales : la Pergola de la Douce France à Etampes (1924)[10] qui présente un cheval en bas-relief, les huit bas-reliefs pour la nouvelle fauverie du Jardin des Plantes (1935)[11], les fonds baptismaux de la cathédrale du Grand-duché du Luxembourg (1937), les quatre lions grandeur nature du Château de la Trousse (1951) et douze bas-reliefs pour la villa du Gouverneur de la Banque d’Algérie à Alger (1951), etc. Quant au relief du Cheval et cavalier, il semble avoir été conçu pour s’intégrer à une architecture. Nous ignorons toutefois la destination de cette œuvre. Peu d’archives subsistent quant à la production de reliefs sculptés d’Hilbert.

En 1943, lorsqu’il crée Cheval et Cavalier, Georges Hilbert est au sommet de son art. Nous savons que les années 1930 lui sont particulièrement favorables. En 1931, il fait partie du Groupe des Douze, réunion de sculpteurs fondée sous l’égide de François Pompon, et comptant également Jane Poupelet. Puis en 1937, il est à la fois jury et participant à l’Exposition internationale, avant de devenir membre de l’Académie des Beaux-Arts. L’artiste a une activité dense à la période Art Déco et dans le milieu orientaliste. Il participe à la Compagnie des Arts Français[12], association dirigée dès 1928 par le décorateur Jacques Adnet, qui souhaitait unir l’art et la vie quotidienne au sein d’un art total.

Grâce à l’obtention en 1928 du prix Blumenthal[13] qui lui ouvre les portes des collections privées et des musées aux Etats-Unis, Hilbert réalise en séjour en Egypte en 1930. L’artiste retrouve la grande tradition de l’art animalier dans les temples de Louqsor, de Karnak, et dans les carrières d’Assouan. Le style synthétique d’Hilbert est en partie inspiré par le dépouillement et la pureté de la statuaire animalière égyptienne. En 1973, l’artiste reçoit le prix Edouard-Marcel Sandoz pour l’ensemble de son œuvre.


[1] Il ne pratique pas le modelage.

[2] André Damiens, Catalogue Souvenir de Corot, juin 1982

[3] Dubois, Patrice, « Hilbert le sculpteur du vivant », Revue des Artistes Français, 1983

[4] Nous pouvons penser à de la pierre de Lens provenant du Gard, à de la pierre de Verdun ou une pierre granitique issue des carrières du Mélusien d’Avallon.

[5] Georges Hilbert, Tête de bouledogue, grès, H. 18 ; L. 14 ; P. 22, 5 cm, 1930-1940, Paris, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, N°INV : AM 5005 S.

[6] Georges Hilbert, Panthère, pierre, H.38 ; L. : 85 ; P. : 34 cm, dépôt du Fonds national d’art contemporain à la mairie de Mulhouse en 1952, N°INV : 7002.

[7] Georges Hilbert, Ara, dépôt du Fonds national d’art contemporain à la mairie de Barentin (Seine-Maritime) en 1955, non localisé depuis 1997 (FNAC-10040139).

[8] Georges Hilbert, Tête d’antilope, granit, H.47 ; L.19 ; P. 28 cm, dépôt du Fonds national d’art contemporain à la mairie de Barentin (Seine-Maritime) en 1962, non localisée depuis 1997 (FNAC-10017808).

[9] Georges Hilbert, Un pécari, granit, H. 43, 2 ; L. 58,2; P. 22, 9 cm, 1927, New York, Metropolitan Museum of Art,  N°INV : 28.214.

[13] Georges Blumenthal, directeur du Metropolitan Museum et Florence Blumenthal, fondatrice du prix, organisèrent une exposition Hilbert à la Arden Gallery.