Marcel Gimond

Portrait de Madame Gimond au turban dit Tête de femme au turban 1930

Épreuve en bronze à patine noire
Fonte à la cire perdue Attilio Valsuani
Signé (sur la nuque, au dos) : «Gimond»
Cachet du fondeur (à la base du cou) : «Cire perdue A. Valsuani»
H. 23 ; L. 18 ; P. 22 cm

Provenance

  • Collection particulière française

Bibliographie

  • George Waldemar, Gimond et l’esprit des formes, Braun & Cie, 1962.
  • Marcel Gimond, Comment je comprends la sculpture, Arted, édition d’Art, 1969.
  • De Matisse à aujourd’hui, la sculpture du XXe siècle dans les musées et le Fonds Régional d’Art Contemporain du Nord-Pas de Calais, Lille, Association des Conservateurs des musées du Nord-Pas-de-Calais, 1992.
  • Marcel Gimond 1894-1961 Centenaire [exposition, Aubenas, Château d’Aubenas, 5 août - 30 septembre 1994].
  • Hélène Labbé Bazentay, Marcel-Antoine Gimond (1894-1961), thèse sous la direction de Thierry Dufrêne, 2003, repr. p. 37, section sculpture, et repr. p. 37, section dessins.
  • Toru Wakiya, Hélène Labbé-Bazantay, Soncho Fujita, Junichi Kurakake, Marcel Gimond, Yasakashobo, 2012.
« La sculpture a pour but la création d’un bel objet, d’une vie plastique et non physiologique. […]. La vie sculpturale n’est pas une imitation par l’extérieur de muscles et d’épiderme puisque c’est une création de l’esprit : c’est une création architecturale dotée d’un dynamisme intérieur »[1] - Marcel Gimond.
 
Après un passage par l’École des Beaux-Arts de Lyon, dont il sort diplômé en 1917, Marcel Gimond débute une recherche sur la forme et revendique son appartenance à la sculpture indépendante. Son voyage à Londres en 1920 va le lui confirmer en côtoyant les chefs-d’œuvre artistiques des civilisations anciennes.
 
Cette revendication aboutira, chez Gimond, à une réflexion théorique sur l’art de la sculpture, qui ne sera publiée qu’à titre posthume en 1969, sous le titre Comment je comprends la sculpture[2]. Spécialisé dans la création de bustes (il en a réalisé plus de 170 tout au long de sa carrière), Marcel Gimond considérait le visage comme une architecture. L’influence de son maître et mentor Aristide Maillol est alors palpable puisque leurs idéaux se rapprochent : « je ne fais pas de portraits, je fais des têtes dans lesquelles je tâche de donner une impression d’ensemble. Une tête me tente lorsque je peux en tirer une architecture. » - A. Maillol[3]

Le sculpteur représente ici le portrait de son épouse, Julie Chorel, fille du sculpteur lyonnais Jean-Louis Chorel (1875-1946), rencontrée aux Beaux-Arts de Lyon. Elle est représentée de façon hiératique et synthétique. Elle porte un turban, un accessoire qui permet à Gimond d’unifier la coiffe et la tête de son épouse, en une seule et même forme. Ce travail axé sur l’articulation des plans et des volumes a des affinités avec le cubisme, ce mouvement radical des années 1910, porté par Braque et Picasso. A la fois cubique et cylindrique, ce buste est une prouesse technique au niveau de la simplification et de la géométrisation des formes : « à cette époque, je voulais retrouver les volumes et je faisais des figures géométriques et volontaires. C’était pour moi des exercices : je désirais retrouver des formes plus denses, plus pleines. »[4] Vraisemblablement influencé par l’art mésopotamien, ce portrait rappelle la statue de Gudea, prince de Lagash, œuvre en diorite de 2120 avant Jésus-Christ, conservée au musée du Louvre[5]. Marcel Gimond possédait probablement une tête de Gudea dans sa collection personnelle[6]. Outre la parenté stylistique avec cette figure de l’art mésopotamien, la patine noire du buste semble aussi faire référence à la couleur de la diorite.

Mais pour Gimond la recherche plastique est au service de l’expression de la vie intérieure du modèle, des mouvements de l’âme : « je veux faire du cubisme quelque chose d’humain et non seulement de décoratif. Je veux qu’un buste soit un décor, mais un décor possédant un secret intérieur et une âme. »[7] Le sculpteur s’élève contre une représentation mimétique et académique de la nature, qui, selon lui, est insensée et injustifiée : « Une sculpture est une pierre. J’emploie le mot pierre, pour bien indiquer que la sculpture est un bloc de matière, contrairement au corps humain qui est composé de divers éléments réunis à l’intérieur du sac de la peau. L’anatomie n’a donc pas plus de rapports avec la sculpture que la chimie. »[8]

Deux versions de ce buste sont conservées au musée national d’art moderne (Inv. AM 1974-256[9] et Inv. AM 515 S[10]), dont l’une, similaire à celle ici décrite, est en dépôt au musée des Beaux-Arts et de la Dentelle de Calais depuis 1977. Vraisemblablement acquis par l’État en 1931, cet exemplaire figurait dans l’exposition Les Maîtres de l’art indépendant en 1937. Ce buste a également donné lieu à une lithographie intitulée Jeune femme à la toque, réalisée en 1934 et conservée au Château-musée d’Aubenas[11].

[1] Toru, Labbé-Bazantay, Fujita, Kurakake, 2012, p.178.
[2] Marcel Gimond, Comment je comprends la sculpture, Arted, édition d’Art, 1969.
[3] Ibid. p.183-184.
[4] Ibid., p.189.
[5] Gudea, prince de Lagash. Statue assise dédiée au dieu Ningishzida, vers 2120 avant J.-C., Tello, ancienne Girsu, Diorite, 46 x 33 x 22,5 cm, Inv. AO 3293 (tête) et AO 4108 (corps).
[6] Voir le catalogue de vente de Boisseau-Pomez, Succession Pierre Lévy, Troyes, Salons de l’Hôtel de ville, 2, 3 et 4 février 2007, p. 71. Cette te de Gudea était à Marcel Gimond ou à Pierre Lévy : le catalogue ne le spécifie pas.
[7] Ibid., p.189.
[8] Ibid., p.190.
[9] Marcel-Antoine Gimond, Portrait de Madame Gimond au turban, vers 1930, épreuve en bronze, fonte à la cire perdue Valsuani, 23 x 18,5 x 21,5 cm, Inv. AM 515 S.
[10] Marcel-Antoine Gimond, Portrait de Madame Gimond au turban, vers 1930, épreuve en bronze, fonte à la cire perdue Valsuani, 23,2 x 18,5 x 22 cm, dépôt du musée national d’art moderne.
[11] Marcel-Antoine Gimond, Jeune femme à la toque, 1934, lithographie, 37 x 44,5 cm.