Marcel Damboise

Portrait de Danielle Damboise c.1963-1964

Marbre
Non signé
14 x 7,5 x 10,5 cm

Provenance :

  • Atelier de l’artiste
  • Par descendance

Bibliographie :

  • Marcel Damboise, 1903-1992, catalogue d’exposition, Paris, Galerie Malaquais, 14 novembre 2008 – 10 janvier 2009.
 
« Son art, que je place parmi ceux qui me touchent le plus, reste aussi fort, aussi affirmatif qu’un coup de poing sur la table. Il y a dans son art ce que j’aime à trouver dans la sculpture : un Noli me tangere un peu fier, énigmatique aussi. […] On s’y repose et on se calme, sans s’y abandonner. C’est ce qu’on aime à trouver dans la sculpture qui reste probablement l’art d’affirmer. » Albert Camus[1]
 
I / Le portrait et la taille de la pierre dans l’œuvre de Marcel Damboise
Dans l’art de Marcel Damboise, le portrait occupe une place prépondérante. Ses plus anciens portraits conservés semblent dater de son séjour à la villa Abd-el-Tif, où il est reçu en tant que pensionnaire entre 1932 et 1935. Durant ce séjour, qui se déroule en compagnie de son ami le peintre Richard Maguet (1896-1940), Marcel Damboise commence à se faire connaître, en France comme en Algérie, grâce notamment aux articles que le tout jeune Albert Camus consacre à son travail. Le sculpteur crée dès 1934 le Buste d’Hélène Faure, petite-fille de l’historien de l’art Elie Faure. Cette tête d’une extrême délicatesse rejoint les collections du musée national d’art moderne en 1939, année où Marcel Damboise reçoit le Prix des Vikings. Il s’agit d’un prix de portrait, décerné tous les deux ans par l’Académie des Beaux-Arts aux sculpteurs français et étrangers. Marcel Damboise réalise par la suite les bustes du comédien Jean Louis Barrault (1940), de Monsieur Furgier (1951), et de l’écrivain Gabriel Audisio (1964). Avec Albert Camus, il noue une relation amicale, longue et sincère, dont témoigne la tête de sa fille Catherine, créée en 1948, mais n’exécute le portrait de l’écrivain qu’après sa mort accidentelle, entre 1961 et 1963.
 
Marcel Damboise réalise ces portraits dans une grande diversité de matériaux : terre cuite, plâtre, bronze, pierre ou marbre. Mais il est plus volontiers tailleur que modeleur, peut-être en raison d’un contact précoce avec la pierre, au sein de sa famille composée d’artisans. Gabriel Audisio note qu’il travaille dès 1919 pour « divers bronziers ou marbriers d’art afin de gagner ce pain quotidien qui n’est pas prodigué aux sculpteurs »[2]. Il rejoint alors l’atelier du sculpteur Louis Botinelly (1883-1962), dans lequel il exécute de nombreuses pratiques[3].
 
Le Petit buste de Danielle, réalisé en marbre de l’île grecque de Paros, atteste du goût de l’artiste pour la pierre, et pour la taille directe : « Le Provençal Damboise a gardé la marque profonde de son atavisme artisanal et de sa formation d’homme de la pierre et du marbre. Mais, au-delà, on a pu aussi se demander si l’artiste qui a transcendé en lui l’artisan n’a pas gardé l’empreinte de « La Vénus d’Arles ». Soumis à l’emprise bien méditerranéenne d’un monde statique et harmonieux, son art relève instinctivement à la fois de la puissante objectivité romaine et de la grande modération grecque. »[4]
 
II / Les portraits de Danielle, la fille de l’artiste
En 1928, Marcel Damboise épouse Yvette Dorignac, la plus jeune des filles du peintre et dessinateur Georges Dorignac (1879-1925). L’année suivante, elle lui donne un fils, Alain. Leur fille cadette, Danielle, naît en 1941. Dès le début des années 1930, la famille devient pour Marcel Damboise un sujet de prédilection pour de nombreux croquis et bustes.
 
Travaillant d’après nature, Marcel Damboise portraiture les membres de sa famille : son épouse Yvette, son fils Alain, sa fille Danielle, ses petites-filles Claire et Anne, son gendre Luc, sa bru Irène. Danielle Damboise se rappelle encore les séances au cours desquelles elle posait pour son père : « Petite, je posais à l’atelier de la Ruche. Pour me tenir tranquille, mon père me racontait ses espiègleries de gamin à la cité phocéenne. J’étais ravie de ces histoires, instants privilégiés où je me sentais complice. Ma mère venait de temps en temps pour lui manifester des critiques constructives sur une statue en cours. Certaines de ses sculptures étaient cachées, pour être oubliées et reprises avec un œil neuf, scrutant mieux le sujet. »[5]
 
Marcel Damboise exécute ce portrait de sa fille lorsque celle-ci a une vingtaine d’années : elle pose régulièrement pour son père, de 1943-1945 jusque vers 1985. L’artiste crée une dizaine de portraits de Danielle, qui scandent les grandes étapes de la vie : la petite enfance (Buste de Danielle enfant, 1943-45), l’enfance (Portrait de Danielle petite fille, 1947-48), l’adolescence (Tête de Danielle adolescente, 1ère version, vers 1955 ; Grand buste de Danielle, vers 1957) et la maturité (Médaillon de Danielle, 1985). Cet ensemble de portraits, qui a pour point commun une grande économie de moyens, présente toujours le modèle « au repos », sans expression particulière, saisissant justement par là son émanation naturelle.
 
Entre le début des années 1970 et le début des années 1980, Marcel Damboise scrute également l’évolution des traits du visage de ses deux petites-filles dans une série de portraits particulièrement émouvante, au caractère universel.

[1] Albert Camus, dans Alger étudiant, 14 mai 1934.
[2] Gabriel Audisio, « Marcel Damboise, Sculpteur de Marseille », Marseille, revue municipale illustrée, 2e trimestre 1967, n°67
[3] « La pratique est l’ensemble des opérations manuelles exécutées pour dégrossir par mise-aux-points un bloc de pierre ou de bois ». Marie-Thérèse Baudry, Sculpture méthode et vocabulaire, éditions du patrimoine, imprimerie nationale, 2000, p. 544.
[4] André Barrère, « Marcel Damboise », dans René Iché et Grands sculpteurs contemporains, catalogue d’exposition, Palais des Archevêques, Juillet-Septembre 1970.
[5] Danielle Damboise, « Regards vers mon père », in Marcel Damboise, 1903-1992, catalogue d’exposition, Galerie Malaquais, 14 novembre 2008 – 10 janvier 2009, p. 10.